Un jour d'été 1746: fête tragique à Mont-Dauphin
(Extrait
de "Un ingénieur Vaudois au service du Roy" de Jean Bourcet qui reprend
le journal de Pierre Bourcet (1700-1780) qui servit comme ingénieur en
chef à Mont-Dauphin. Avec nos remerciements à l'auteur).
"Dans
tout le royaume, la prise de Mons (NDLR: 12 août 1746) donna lieu à des
réjouissances ordonnées par Sa Majesté (NDLR: Louis XV). Les victoires
étaient d'autant plus fêtées qu'elles étaient rares. Il fallait
entretenir l'espoir du peuple pour l'aider à supporter les sacrifices
que ces guerres, incessantes et longues, entraînaient.
A Mont-Dauphin, ces
réjouissances furent retardées jusqu'au dimanche 14 août afin de leur
donner plus grand lustre en les accolant à la fête de l'Assomption.
Elles eurent lieu à trois heures de l'après-midi à l'issue de vêpres un
peu écourtées pour l'occasion.
Les
troupes furent rangées sur les bastions entre les remparts et le fossé.
Le public pouvait ainsi admirer la prestation des artilleurs sans les
importuner par une présence trop rapprochée.
Les
rangs des militaires étaient plus clairs qu'à l'accoutumée, car
beaucoup étaient à cette heure sous les armes en Italie. Le détachement
était placé sous le commandement de l'officier Monsieur de la Chapelle.
Les deux premières décharges firent beaucoup de bruit. C'était le but recherché ; les pièces étaient chargées à blanc.
Le
nommé Jean Viguié, dit Belle Humeur, caporal de la compagnie de Vareix
au régiment de Royal-Artillerie, rechargeait une pièce de vingt-quatre.
Il mit la lanterne avec la poudre dans la volée (tube du canon).
Le feu prit dans la pièce, emporta le caporal et le projeta dans le fossé de la citadelle.
Le
chirurgien major Lafont et le curé Debardonnèche se précipitèrent pour
lui apporter une assistance physique ou au moins morale. Même l'extrême
onction ne pût lui être administrée car il expira sur le champ.
Cette
mort au grand soleil d'un après-midi de plein été semblait
particulièrement absurde. Après un instant de présence auprès du corps
du défunt, les gens se séparèrent et regagnèrent silencieusement leurs
demeures."